De plus en plus de satellites sont envoyés dans l'espace pour venir grossir les rangs dans les constellations de type Starlink de SpaceX. Celles-ci engendrent une pollution lumineuse bien documentée. Les lancements rejettent un certain nombre de déchets. Mais ces constellations risquent aussi d’aggraver la situation du trou dans la couche d'ozone lors de la phase de désorbitage des satellites. Une étude d'astrophysiciens de l'université de Californie du Sud tire la sonnette d'alarme.
Depuis 2019 et son premier lancement de satellites, SpaceX a mis en orbite près de 6 000 satellites pour créer sa constellation Starlink fournissant un accès à Internet. Rappelons qu'il y a actuellement 8 100 objets en orbite basse autour de la Terre. Les satellites de Starlink en représentent donc une proportion très importante.
Et l'entreprise prévoit de doubler ce chiffre dès 2025 et espère atteindre les 42 000 à terme. C'est sans compter les satellites des autres fournisseurs d'accès comme OneWeb, Kuiper d‘Amazon et IRIS² de l’Europe lancés, eux aussi, dans la course.
La pollution lumineuse de ces constellations est déjà bien établie. Les agences spatiales ont aussi signalé qu'elles augmenteraient significativement les débris orbitaux. Mais elles pourraient avoir d'autres répercussions encore plus problématiques pour l'environnement. Notamment sur la couche d'ozone dont le trou se referme pourtant petit à petit depuis quelques années grâce à des efforts importants – voir le rapport (pdf) de l'Organisation météorologique mondiale publié en 2022.
La combustion de la structure en aluminium, un véritable danger
Des chercheurs de Vancouver avaient déjà expliqué en 2021 que « les rentrées [dans l'atmosphère terrestre] de satellites de la méga-constellation Starlink pourraient à elles seules déposer plus d'aluminium dans la haute atmosphère terrestre que les météoroïdes ; elles pourraient donc devenir la principale source d'alumine en haute altitude ». Rappelons que les satellites en orbite basse ont une durée de vie de cinq ans. Après cette période, ils sont désorbités et sont détruits au contact de l'atmosphère.
Dans la vidéo ci-dessous, on peut observer la simulation de la combustion d'un mécanisme d'entrainement des panneaux solaires d'un satellite lors d'une rentrée dans l'atmosphère :
L'alumine, ou oxyde d'aluminium, est connu pour attaquer la couche d'ozone. Ce composé chimique se forme quand l'aluminium de l'objet qui était en orbite rentre en contact avec de l'oxygène. Les liaisons entre atomes d'aluminium sont cassées par l'impact des molécules d'oxygène. Des atomes d'aluminium se lient avec des atomes d'oxygène pour former de l'oxyde d'aluminium.
Une nouvelle étude publiée la semaine dernière par des chercheurs du département d'ingénierie aéronautique de l'université de Californie du Sud dans la revue scientifique Geophysical Research Letters confirme cette hypothèse. Ils ont précisément modélisé la décomposition de l'aluminium à haute température pendant l'entrée d'un satellite qui était en orbite basse.
30 kg d'alumine pour la destruction d'un satellite
Un satellite de ce genre pèse 250 kg, avec une structure composée globalement que d'alliages d'aluminium qui représente 30 % de la masse totale. Les chercheurs ont étudié le scénario le plus défavorable de la combustion d'un satellite, car les satellites en orbite basse retournent dans l'atmosphère à une température très élevée : 2 200 K (environ 1 926 °C), pendant 90 secondes à altitude constante de 86 km. Mais ce scénario est étayé par les observations de la combustion du véhicule automatique de transfert européen Jules Verne (Jules Verne ATV).
Dans leur simulation de dynamique moléculaire, les échantillons d'aluminium et d'oxygène sont chauffés progressivement de 100 à 2 200 K. La collision est produite ensuite à une vitesse de 2 km/s (7 200 km/h). Ils ont ensuite extrapolé leurs résultats à l'échelle atomique à un scénario macroscopique pour un satellite. Résultat, ils en déduisent que 30 kg d'alumine sont produits lors de la combustion d'un satellite de 250 kg.
Augmentation de 30 % dans l'atmosphère pour 2022
Ils ont ensuite calculé que la destruction de l'ensemble des satellites désorbités en 2022 a fait augmenter de près de 30 % l'aluminium dans l'atmosphère, créant 17 tonnes d'alumine. Les chercheurs pointent qu'avec ces résultats, une fois les constellations finalisées, la désorbitation régulière de leurs satellites créera 360 tonnes d'alumine par an et « le taux d'excès d'aluminium au sommet de la mésosphère pourrait atteindre un excès annuel de plus de 640 % par rapport aux niveaux naturels ».
L'oxyde d'aluminium déclenche (par catalyse) une réaction chimique entre le chlore et l'ozone détruisant ce dernier. Mais l'alumine non détruite lors de cette réaction, pourra continuer de déclencher d'autres réactions. Donc plus on ajoute d'oxyde d'aluminium, plus la couche va s'amoindrir. La destruction catalytique du chlore est une des causes principales de l'appauvrissement de la couche d'ozone.
Commentaires (33)
#1
#1.1
#1.2
Historique des modifications :
Posté le 21/06/2024 à 20h39
Y a Malabar ?
#2
Pour le moment, on n'a aucune information chiffrée sur l’endommagement de la couche d'ozone, aucune comparaison avec les dégâts passés. À part le "gravement" du titre, on n'a aucune idée des conséquences des 360 tonnes d'alumine par an.
#2.1
#2.2
#2.3
C'est peut-être moi qui extrapole, mais s'il y a des effets significatifs, c'est pas une bonne nouvelle dans tous les cas... Surtout pour avoir des constellations de satellites "de confort" (je dis pas que c'est pas utile, mais c'est pas non plus si utile que ça).
#2.4
Même chose ici, sans savoir la "puissance" de l'effet, on ne peut rien en déduire niveau risque.
#2.5
Historique des modifications :
Posté le 21/06/2024 à 12h49
Si je reprends ton exemple des radiations, je crois qu'on dirait que les effets seronts "significatifs" s'ils sont de nature à influencer ta santé.
#2.6
#2.7
Historique des modifications :
Posté le 22/06/2024 à 14h44
D'après l'étude, on sait que c'est significatif.
Posté le 22/06/2024 à 14h44
D'après l'étude, on sait que c'est significatif.
#2.8
#2.9
#2.10
Edit: tu demandes ce que ça apporterait d'avoir des chiffres, il y a une réponse évidente: nous ne serions pas en train d'avoir cette discussion.
Nous saurions que la situation demande des mesures urgentes, ou de moyen de terme ou aucune mesure parce que l'échelle de temps impliquée fait que l'effet bien que réel n'a pas d'importance.
Pour prendre un parallèle: si je te dis quel tel aliment contient un cancérigène probable en quantités mesurables sans en préciser la quantité, qu'est ce que tu fais? Tu interdis l'aliment en question?
Ou bien tu attends d'avoir des chiffres pour savoir comment agir (en supposant qu'une action soit nécessaire)?
Pour information, mon exemple, ce sont les pommes, qui contiennent et produisent naturellement de l'acétaldéhyde, classé cancérigène probable.
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Posté le 23/06/2024 à 08h57
Ca apportera que "signifcant" n'a rien d'objectif ? D'ailleurs, la publication dit bien "can cause significant ozone depletion" et pas "will cause..", donc non, la publication ne dit pas que le problème est sérieux. C'est de l'interprétation, et c'est justement pour cela qu'avoir des chiffres permet au moins d'avoir des données un minimum objectives.
#2.11
#2.12
Je suis d'accord pour dire qu'avoir des chiffres est toujours mieux et permet d'avoir plus d'objectivité, mais j'avais pensé que le fait que ça puisse être significatif suffisait à dire que le problème est réel. Par contre, comme il est seulement possible que ce soit significatif, là, j'ai plus de doutes, déjà.
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Posté le 24/06/2024 à 12h33
Bien vu la différence entre "will" et "can" ! 😉
Je sjis d'accord pour dire qu'avoir des chiffres est toujours mieux et permet d'avoir plus d'objectivité, mais j'avais pensé que le fait que ça puisse être significatif suffisait à dire que le problème est réel. Par contre, comme il est seulement possible que ce soit significatif, là, j'ai plus de doutes, déjà.
#3
#3.1
#3.2
#4
#5
Je pose la question parce qu'ici l'aluminium sert juste de catalyseur, c'est donc la présence de chlore le vrai danger : s'il n'y a pas de chlore, il n'y a pas de réaction qui casse les molécules d'ozone. Ou alors il faut m'expliquer ce que j'ai compris de travers.
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Posté le 21/06/2024 à 08h25
D'où provient le chlore ? Des CFC qu'on a balancé pendant des décennies ou bien il y a une production naturelle ?
#6
#6.1
Moi, je suis tombé sur 5200 tonnes par an qui tombent sur la Terre ce qui est différent de ce qui rentre dans l'atmosphère et surtout sur 50 à 100 tonnes par jour de matière qui rentrent dans l'atmosphère, ce qui est 20 à 40 fois moins que ce que tu dis.
Mais même ce chiffre permet de relativiser.
#6.3
#6.2
#6.6
#6.8
#6.4
#6.5
#6.7
https://xkcd.com/1252/
#6.9
De toutes façons, il faut bien mourir de quelque-chose et les générations futures nous seront certainement reconnaissantes pour avoir clarifié le sujet.
#6.10
- quelles sont les facteurs de la destruction de la couche d'ozone (elle se détruit et se régénère en permanence)
- dans la situation actuelle, quel pourcentage de cette destruction de la couche d'ozone est imputable à l'oxyde d'aluminium . (est-ce 0.5%, 5%, 50% ...)
- quel est le ratio entre la régénération et la destruction de la couche d'ozone.
Sur base de ça, on peut avoir une idée... si par exemple l'oxyde d'aluminium représente 0,5% de la destruction de la couche d'ozone, un facteur 6 n'aura pas des effets trop catastrophiques si la couche d'ozone se régénère avec une marge suffisante.
Si l'oxyde d'aluminium est déjà responsable pour 50% ou plus de la destruction ordinaire de la couche d'ozone, multiplier par 6,4 la quantité d'oxyde d'aluminium en contact avec cette dernière serait cataclysmique.
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Posté le 23/06/2024 à 20h01
Blague à part, les question importantes sont de savoir
- quelles sont les facteurs de la destruction de la couche d'ozone (elle se détruit et se régénère en permanence)
- dans la situation actuelle, quel pourcentage de cette destruction de la couche d'ozone est imputable à l'oxyde d'aluminium . (est-ce 0.5%, 5%, 50% ...)
- quel est le ratio entre la régénération et la destruction de l'ozone.
Sur base de ça, on peut avoir une idée... si par exemple l'oxyde d'aluminium représente 0,5% de la destruction de la couche d'ozone, un facteur 6 n'aura pas des effets trop catastrophiques si la couche d'ozone se régénère avec une marge suffisante.
Si l'oxyde d'aluminium est déjà responsable pour 50% ou plus de la destruction ordinaire de la couche d'ozone, multiplier par 6,4 la quantité d'oxyde d'aluminium en contact avec cette dernière serait cataclysmique.
#7